-Origine du nom al hoceima
Les Espagnols qui ont fondé Al Hoceima sur le site appelé tijdit (terre sableuse) sur une partie de la presqu'île, l'ont appelée Villa Sanjurjo à partir d'avril 1926 jusqu'à l'indépendance sauf de 1932 à 1936 où elle portait le nom de Villa Alhucemas(1).
Sanjurjo était le général qui avait dirigé le débarquement de l'armée espagnole dans la région. Mais au début de l'indépendance, et à l'instar d'autres villes dont on a changé le nom comme Port-Lyautey, Petitjean, Louis Gentil…(respectivement: Kenitra, Sidi Kacem et Youssoufia), il fallait bien changer celui de «Villa San Jurjo» qui, en plus d'être étranger, rappelait aux marocains le mauvais souvenir du débarquement sus cité et de la colonisation espagnole.
En fait, Le terme «Alhucemas» est antérieur à sa variante marocaine «Al Hoceima». Les Espagnols ont utilisé ce vocable pour désigner la baie et les îlots(2) de Nokor (ou d'Almazemma) qu'ils appellent encore de nos jours «Los peñones de Alhucemas» (Les rochers d'Alhucemas). Et la ville elle-même ne l'ont- ils pas appelée- comme il est cité plus haut- «Villa Alhucemas»? Ce nom (Alhucemas) n'est, en effet, que le résultat d'une déformation espagnole continue de celui de la ville d'Almazemma indiquée, à juste titre, sur les cartes espagnoles du XVIème siècle par le vocable «Almazimas». Remarquons la ressemblance entre ce dernier et le nom marocain par la présence de l'article arabe «al» au début, le «z» et le «m» bien qu'il y ait un changement.
Les îlots d'Almazemma, quant à eux, étaient indiqués au XVIIème par le terme «Albouzaines»(3) qui serait une autre déformation (changement de sons concernant voyelles et consonnes). Cependant, il est à souligner sa ressemblance avec Almazimas par la marque du nombre (le «s» du pluriel), la présence du même article arabe «al» au début et celle du «z» ainsi que le «m» devenu «n». Au XIXème, le plus grand îlot et la baie s'appelaient déjà Alhucemas(2).
En outre, la prononciation du terme Almazemma en dialecte rifain amazigh «remzemmeth» montre qu'il s'agit d'un nom singulier féminin mais irrégulier puisqu'il a un seul «t» (celui de la fin) pour marquer le genre. Le nom veut dire «enregistrement» ou «lieu d'enregistrement», dérivé du verbe «zemmem» (enregistrer). A ce stade, la question qui s'impose est: le lieu servait à enregistrer quoi? Et là on ne peut s'empêcher de penser aux marchandises, donc au rôle commercial que jouait le port d'Almazemma qui était au début sur l'île(4) Nokor appelée aussi par certains historiens Almazemma(5). Ce port était le plus proche de la ville de Nokor, la nouvelle capitale des Bani Saleh, située alors à douze kilomètres au sud de ce port. Devenu plus grand sur le site en face de l'île, donc plus important pour l'émirat, il est qualifié de port de Nokor(4).
Mais c'est l'île qui est à l'origine du nom de la ville(4) grâce, sans doute, à la fonction remplie au tout début du port embryonnaire. Le port est ensuite suffisamment florissant à l'échelon commercial et maritime puisqu' il est qualifié de «plus important centre maritime sur la méditerranée entre Mlilia et Sebta»(4). L'émirat s'en inspira sur le plan toponymique de la ville devenue un centre urbain important sur le plan religieux, culturel, architectural et militaire (6 ). Et après la destruction de Nokor, Almazemma est devenue plus importante(7) au point de donner son nom à l'oued(8).
«Enregistrement» pourrait renvoyer également à la fonction que remplissait le «Ribat Nokor» comme premier centre religieux et culturel des Bani Saleh dans la région(9) pour le prêche, les études et peut-être la conversion à la nouvelle religion (avant de devenir également un centre commercial et militaire). Le Ribat était construit à l'endroit dit Agdal, où se rencontraient les oueds Nokor et Ghiss avant l'estuaire, donc pas loin de la ville d'Almazemma,(6) si cette dernière ne l'avait pas intégré à son tissu urbain surplombant l'île, le port et le bassin(6). Tous ces facteurs jumelés à celui de la proximité des îles du site de l'ancienne ville (mais également de l'oued) rend la thèse d'Almazemma plus acceptable que la version d'Alkhozama.
En outre, Malgré la ressemblance de ce dernier mot avec AlHoceima, il faut reconnaître que dans le Nord du Maroc, le phonème (Î: kh [x]) n'est pas un allophone du type (Í: h[h]) comme dans la plaine du Souss mais celui du (Û: gh[r]). Un exemple par la phrase suivante pour expliciter: «j'ai bu» est traduit: swigh ou swikh, selon les parlers, mais jamais: swih. |